Consommez qu’ils disaient
vendredi, 7 janvier 2011 par Regis
La deuxième moitié du XXème siècle fut celle de la création d’un idéal collectif : le poussé de caddie, la communion du parking, la joie de la caisse enregistreuse. L’ère de l’hyperconsommation, consommer plus pour consommer plus, jeter plus pour consommer plus. Le germe du mal est né avec la fin du siècle, l’Internet s’est propagé dans le monde offrant aux champions de caddie un nouvel horizon, celui de la consommation collaborative.
À la consommation de masse et centralisée basée sur la vente, le stockage inutile ou le jet aux ordures, la consommation collaborative répond par une forme et des principes différents : une économie de l’usage plutôt que de la possession, un réseau d’échange direct entre particuliers, basé sur le partage, la vente, le troc ou le don. Internet n’a rien inventé, il est le médium qui a permis à ces formes d’échange de se développer à grande échelle.
En 2008, dans son film Us Now, Ivo Gormley imaginait un monde ou le web permettrait de pallier les carences du service public par l’organisation des citoyens au travers des réseaux sociaux. En 2010, Rachel Botsman et Roo Rogers, dans leur ouvrage What’s Mine is Yours, The Rise of Collaborative Consumption (Ce qui est à moi est à toi, la montée de la consommation collaborative), exposent et théorisent ce mouvement. Rachel Botsman compare la période actuelle à une « période où l’on commence à se réveiller de cette monumentale gueule de bois faite de vide et de gâchis » pour nous lancer dans « la création d’un système plus durable construit pour répondre à nos besoins identitaires et communautaires« .
le capital est la « réputationnel », la monnaie est sociale
Loin de tout discours moralisateur ou catastrophiste, l’idée n’est pas de dire : attention vous allez tous mourir si vous ne changez pas vos modes de consommation ! Rachel Botsman préfère la stratégie du « cool« , les consommateurs collaboratifs sont plus « hip que hippies« , ils ont compris que la légèreté est la tendance, que la possession pour la possession est has been. Pour exemple, une perceuse est conçue pour fonctionner pendant des heures, elle ne sert en moyenne que douze minutes, pourtant, comme le dit Rachel Botsman, ce qui nous intéresse : « c’est le trou, pas la perceuse« . Des services de location de matériel de bricolage se sont ainsi développés comme Zilok, d’abord aux Etats-Unis puis en France. Une voiture ne sert en moyenne qu’une heure sur 24, d’où l’intérêt de la louer, ou de la partager. De nombreux services se sont ainsi développés depuis une dizaine d’année. Après ebay le précurseur, des nombreuses formes de services sont apparues en mode peer to peer. Ces système fonctionnent majoritairement sur la confiance et la réputation, grâce à un système de scoring, chacun se créé une réputation, lui permettant d’échanger avec ses pairs dans la confiance. A l’ère de la consommation collaborative, le capital est la « réputationnel », la monnaie est sociale.
Tout Rennes collabore
Dans ce mouvement mondial vers la consommation collaborative, Rennes tient très bien son rang. De nombreux services fonctionnent à l’échelle locale, dans tous les domaines. Freecycle est un réseau mondial de dons entre particuliers regroupant 7 millions de membres, 4 775 groupes présent dans 95 pays. Au travers d’une simple liste de diffusion par mail, chacun peut donner tout type d’objets dont ils souhaite se séparer. À Rennes, le groupe lancé en 2006 est l’un des plus actifs en France : comptant 2575 membres, plus d’une centaine de messages envoyés chaque semaine. Lancé en 2006 également, le système d’autopartage CityRoul se développe : moyennant un abonnement mensuel d’une dizaine d’euros, les particuliers peuvent réserver via Internet une des 29 voitures réparties sur des places de parking de la ville, pour une heure, deux heures, voire plus, qu’ils payent à un tarif adapté. L’avantage de l’autopartage plutôt que la location : chacun est responsabilisé, et donc respectueux. Lorsque l’on prend la voiture, celle-ci a pu être utilisée par une personne l’heure d’avant, une autre la prendra ensuite, chacun a donc intérêt à rendre le véhicule en bon état, et surtout propre.
Au niveau local, les services mis en place ne manquent pas, vous pouvez collaborer pour vous loger (Rennes Hébergement), pour lire (avec la Bibliothèque de rue de la Poterie), pour manger (AMAP locales). Collaborer pour voyager, c’est possible, avec Couchsurfing et Hospitality Club, vous prêtez votre matelas à un touriste, avant d’aller squatter le matelas d’un autre lors de vos futurs voyages.
Le peer to peer (pair à pair) n’est pas seulement ce monstre qui mange la laine de lama de Patagonie du poncho de Florent Pagny. Les échanges de pair à pair pourraient réussir à pirater beaucoup plus : c’est tout le système et les modes de consommation qui pourraient se voir emportés par la lame de fond de la consommation collaborative.
Régis Chatellier
********
En plus :
– Consommation collaborative (blog francophone)
– Hubert Guillaud, « La montée de la consommation collaborative, Internetactu
No. 1 — vendredi, 7 janvier 2011 à 4 h 10 min
tout à fait d’accord qu’il ne faut pas aborder la consommation collaborative comme une punition, un renoncement, mais au contraire comme une pratique efficace et plaisante (je suis plutôt pour l’efficace que pour la coolitude pronée par Botsman). un réseau neuronal (peer-to-peer) est tout simplement plus efficace qu’un réseau centralisé.
bref, trêve de théorie, on a lancé http://www.Voiturelib.com il y a 6 mois : un réseau social de location de voitures. but = pouvoir partir en WE avec la voiture de son voisin, ou louer sa voiture pendant qu’elle ne sert pas. Ça commence à cartonner, et comme vous le dites, ça va devenir une lame de fond : c’est la consommation de la voiture qui commence à changer.
No. 2 — samedi, 8 janvier 2011 à 4 h 31 min
Merci pour ce lien (et pour ce commentaire), je ne connaissais pas Voiturelib.
No. 3 — lundi, 10 janvier 2011 à 1 h 42 min
L’intervention de Rachel Bostman est vraiment lumineuse, merci pour cet article !
No. 4 — vendredi, 14 janvier 2011 à 2 h 50 min
Un nouveau lien vers une forme de consommation collaborative à l’échelle locale :
Bulles d’échanges : http://beta.ruche.org/structure?id=598
No. 5 — mardi, 15 février 2011 à 8 h 54 min
Très bon article, et très bonne présentation de Rachel Botsman. La consommation collaborative est, je pense, une révolution en marche.
C’est en tout cas dans cette démarche que nous avons créé il y a plus de 2 ans maintenant la première plate-forme de location d’objets entre particuliers 100% start-up française ^^ : http://www.e-loue.com.
Au quotidien, nous constatons que ce qui était auparavant qu’une simple tendance devient de plus en plus un vrai mode de consommation alternatif.
Les internautes gagnent de l’argent en proposant leur matériel en location, font des économies en louant les objets d’autres particuliers au lieu d’acheter, et réduisent la pollution due à la surconsommation (CO², déchets, etc. …).
La consommation collaborative est une réponse crédible et construite à bien des problématiques, ça ne fait aucun doute !
No. 6 — lundi, 11 juillet 2011 à 5 h 41 min
[…] club, ebay, leboncoin, covoiturage.fr ou le dernier né laruchequiditoui (voir le billet Consommez qu’il disaient). On parle pour ces services de consommation collaborative, il faudrait lui préférer le terme de […]
No. 7 — lundi, 24 octobre 2011 à 5 h 17 min
[…] un premier rendez-vous en janvier 2011, nous vous proposons une deuxième rencontre sur la Consommation […]
No. 8 — mardi, 6 décembre 2011 à 8 h 28 min
[…] un post de ce blog, nous citions Rachel Botsman qui souhaitait que la consommation collaboration devienne le […]
No. 9 — mercredi, 1 mai 2013 à 4 h 27 min
[…] Consommez, qu’ils disaient. Bug.org, Régis Chatellier, 7 janvier 2011 […]
No. 10 — mercredi, 1 mai 2013 à 4 h 37 min
[…] lire : Consommez, qu’ils disaient. Bug.org, Régis Chatellier, 7 janvier […]